Ecoloville, de Jean-Yves Duhoo

Ecoloville

Une fois n’est pas coutume, je ne vais pas aujourd’hui raconter ma vie dans l’habituelle petite présentation du livre introduisant la critique. Je laisserai la parole à l’auteur d’Ecoloville qui nous explique, dans un petit avertissement au lecteur: « Ecoloville est un reportage d’anticipation, non un roman de science-fiction. Les innovations technologiques et écologiques existent (presque) toutes à l’état de projet ou à l’échelle locale ». Tout est dit !

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Une histoire de petits hommes verts

2015 : le réchauffement planétaire prophétisé à la fin du siècle dernier est devenu une étouffante réalité. Futureville envoie une délégation d’experts à Ecoloville, ville phare en matière d’écologie. Recyclage des déchets en énergie propre, quartiers autogérés, climatisation courante, car-sharing généralisé, alimentation saine et équitable : Ecoloville est un véritable paradis où la température ne dépasse jamais 30° celsius, tandis qu’au dehors, la canicule est quotidienne. Mais comme toute utopie, Ecoloville a ses travers, que va mettre en lumière l’enquête de la sympathique délégation de Futureville en allant au-devant de sombres absurdités…

La première chose que l’on remarque dans la bande-dessinée de Jean-Yves Duhoo, c’est son érudition. Nul doute que l’auteur s’est grandement documenté pour imaginer son utopie verte. En s’inspirant de diverses innovations technologiques existant aujourd’hui et en les concentrant dans une ville imaginaire, il crée une utopie crédible, à l’exactitude scientifique. Les différents systèmes mis en place, de la génération d’énergie à partir des déchets ou de panneaux solaires à l’économie équitable, tout est rigoureusement expliqué et détaillé, ce qui donne plus à la bande dessinée l’aspect d’un reportage que d’une histoire narrative. Tout cela est bien ficelé et l’on veut bien croire que, si quelque se donnait la peine de la bâtir, Ecoloville serait assez viable pour tenir debout.

Bien heureusement, la bande dessinée n’a rien d’une ôde à l’art de vivre en harmonie avec son environnement, et Jean-Yves Duhoo se défend d’ailleurs d’être lui-même un écologiste. Sans prendre parti ni pour, ni contre, il garde toujours une certaine réserve, un recul amusé qui frise le cynisme, devant les absurdités auxquelles peut mener son idée de départ et cette fameuse nature humaine qui transformerait n’importe quel paradis en complexe administratif. Loin d’être une petite ville paisible ou tout le monde s’aime, Ecoloville est aussi le théâtre de luttes de pouvoir entre la mairie en place (Divers Verts), l’opposition politique (Verts Pluriel), la toute-puissante société de recyclage Tricel qui possède le monopole de l’énergie propre, sans parler des Alternos, ces anarchistes qui occupent les quartiers nord de la ville… Et il n’est pas rare de voir l’armée et la milice de Tricel se battre pour ramasser le moindre papier gras, le déchet ménager étant devenu le nouvel or noir d’Ecoloville.

Hésitant entre reportage scientifique et fable ironique, Ecoloville ravira les adeptes de l’écologie comme les amateurs d’utopies absurdes. Peut-être pas assez toutefois pour justifier son prix (15 centimes la page) : Disons plutôt que Ecoloville est une amusante curiosité, qui occupera agréablement une heure oisive à la FNAC.

» Ecoloville, scénario et dessins de Jean-Yves Duhoo, coll. La Fouine Illustrée, ed. Hachettes Littérature (2006), 94 p., 14€

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